Portrait de M. Hammer

Jean-Pierre Hammer

Son nouveau livre (2021)

Couverture du Livre Santi

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A propos de Jean-Pierre Hammer

L'utopie plurielle de Jean-Pierre Hammer

Portrait de l'artiste à l'insatiable curiosité

Peintre, sculpteur, écrivain et musicien, Jean-Pierre Hammer me reçoit rue de la Tombe-Issoire, dans son atelier.

Vient de s'y achever une exposition de ses dernières œuvres. Témoignage de la multiplicité des talents de l'artiste : huiles de tous formats ainsi que statuettes - des bronzes représentant chouettes, zébus, personnages féminins enlacés - sans oublier lithographies et bois gravés.

«J'aime travailler ici, c'est là qu'a vécu et peint Maurice Mourlot (1906-1983). Je viens de publier un deuxième ouvrage sur lui : après un livre consacré à sa peinture, c'est le catalogue de ses estampes car Maurice fut un fameux dessinateur, maître-lithographe et graveur sur bois. C'est lui qui m'a appris la lithographie...» Ce catalogue raisonné permet de rendre justice à Maurice. Benjamin des Mourlot, le peintre fut en effet trop longtemps confondu avec son aîné, Fernand, le patron de l'imprimerie lithographique familiale. Hammer y présente les techniques de la lithographie, de la gravure sur bois et nous fait entrer de plain pied dans l'époque, la vie et l'œuvre de son ami, auquel il a, en 2003, consacré une rétrospective, à la Galerie du Montparnasse, pour le vingtième anniversaire de sa disparition.

Aussi passionné par les arts que par les idées, le regard malicieux toujours en éveil, Jean-Pierre Hammer a sans répit défendu les causes libératrices qui ont jalonné ce qu'il appelle «le douloureux chemin de l'émancipation humaine» : «Mes livres sont tous consacrés à des écrivains ou à des peintres victimes de l'arbitraire». J'essaie de soutenir ceux qui font avancer la liberté et le payent parfois de leur vie. C'est à Nikolaus Lenau ( 1802-1850) que J.-P. Hammer consacre, en 1983, sa thèse de doctorat d'État en allemand. Ce poète autrichien, rebelle et libertaire a défendu Tsiganes, Italiens, Tchèques, toutes les minorités ethniques contre l'Empire autrichien.

Soutenir les victimes de la répression

Lors de sa soutenance, Hammer provoque la stupéfaction du jury en jouant au violon une danse paysanne familière au poète, lui aussi musicien-violoniste, tsigane mi-autrichien, mi-hongrois. Et comble d'audace aux yeux de certains universitaires, Jean-Pierre a illustré son travail de reproductions de ses propres peintures. Il n'a pas cessé de soutenir, par ses traductions et ses articles, les victimes de la répression, par exemple, en RDA, le poète Peter Huchel, le savant Robert Havemann, le chanteur dissident Wolf Biermann, sans oublier le poète autrichien Ernst Fischer dont il a traduit les poèmes et qui fut l'un des précurseurs du Printemps de Prague.

En khâgne, Hammer adhère, comme bon nombre d'étudiants de sa promotion, au parti communiste. Mais dès 1950, il rejoint l'opposition anti-stalinienne : «L'idéal communiste, je l'ai eu, mais je me suis aperçu rapidement qu'il était trahi». Au lycée de Saumur, puis au Lycée Michelet, il milite contre la guerre d'Algérie. Nommé à l'université de Madagascar (1962-64), il y fonde l'institut d'allemand de Tananarive et découvre les Zafimaniry, peuple sculpteur réfugié dans les montagnes et forêts depuis le XVIIIe siècle. Ce qui nous vaut aujourd'hui un ouvrage abondamment illustré de ses photos : «À Madagascar, chez les Zafimaniry» de J.-P. Hammer et P. Vérin (éditions Ibis Press, 2004).

Un peu de rouge fera chanter le vert !

Dans son enfance, le violon a tenu une grande place, mais au lycée Carnot, dès la sixième et plusieurs années de suite, un professeur de dessin marque le jeune Jean-Pierre : «Faites ce que vous voulez», disait-il à ses élèves. «Moi, j'essayais de dessiner des contes de fées». «Tu devrais ici mettre un peu de rouge, cela fera chanter le vert», me recommandait le professeur. Jean-Pierre ne recommence à peindre qu'en 1966. Enseignant à Nanterre, il incite les étudiants à décorer de fresques les tristes murs de béton de la faculté ! Il se met alors lui-même à peindre dans sa cave. Ce sont de petites toiles oniriques : «Toute la musique accumulée en moi s'est probablement traduite en peinture. Une façon de dire mon utopie».

«C'est une peinture qui donne figure à l'imaginaire... Un monde singulier, un monde imaginaire, mais cet imaginaire n'est pas totalement irréel (...) il pourrait être, il est un possible du réel.(...) Cette peinture rêve, nous co-rêvons», écrit le philosophe Mikel Dufrenne dans sa préface au livre d'art consacré à J.-P. Hammer. «Hammer n'aime rien tant que la liberté, aussi bien celle des formes que celle qui préside au choix des thèmes qui peuplent sa peinture». Dans le même ouvrage, le poète Robert Mallet précise : «Certaines de ses toiles font penser à de véritables partitions, à la fois par la minutie de l'écriture et par le jeu des harmoniques (...). C'est le rêve qui en sort, et le rêve le plus charnel». Dans l'atelier, quelques nus et portraits de facture classique voisinent avec des tableaux aux couleurs vives et la palette passe des glacis de bleu-vert, tel ce voilier aux transparences de vitrail, aux vibrations chaudes, subtiles et rayonnantes des rouges, des jaunes, des orangés. Un monde dont le sociologue Alain Touraine écrit : «Le mouvement est partout, tourbillonnant comme les vagues de la mer ou le vol de l'oiseau». Jean-Pierre, lui, continue d'espérer un 
«monde d'espoir, d'amour et de pain», 
comme il le dit en musique - par une nuit
 d'insomnie - dans la Ballade des Révoltés qu'il compose à propos de la guerre en 
Irak. Cette chanson montre peut-être que le
 rêve n'exclut pas une vigoureuse prise de
 position face aux problèmes cruciaux de
 notre temps - et particulièrement face aux 
injustices qui défigurent l'humanité, mais 
peuvent «si nous l'voulons, si vous l'vou
lez» être éliminées.

François Heintz (Journaliste pour La Page)

Biographie
Jean-Pierre Hammer
Écrivain, peintre, musicien et enseignant germaniste

Naît à Paris en 1927, Jean-Pierre Hammer passe son enfance dans la banlieue ouvrière de Levallois, il entre au Lycée Carnot en 1939 comme élève boursier. Parallèlement il étudie le violon avec Lucien Quattrocchi, répétiteur de Gabriel Bouillon au C.N.S.M. de Paris. Cette même année, il est lauréat du concours supérieur Léopold Bellan mais la guerre bouleverse son orientation de violoniste.
En 1947 il reprend ses études au Lycée Lakanal en Hypokhâgne puis khâgne avec ses amis Emmanuel Le Roy Ladurie et Gérard Genette.
En 1949, Il participe à la création des Maisons Communautaires d’Étudiants à Paris…

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Portrait de Jean-Pierre Hammer